Chaque année, des centaines d’albinos sont mutilés en Afrique en raison de croyances et de rituels anachroniques. Beaucoup décèdent de leurs blessures. Cette situation illustre des éléments du passé qui pénalisent la jeunesse du continent.
De fausses croyances
Les conditions de vie des albinos sont particulièrement dangereuses en Tanzanie, au Kenya et au Burundi. Cela est dû à des croyances populaires qui attribuent des pouvoirs magiques aux albinos. Pour élaborer les potions magiques permettant à leurs clients de connaître le succès professionnel, sentimental ou financier, les sorciers requièrent le sang, les parties intimes, les bras ou les jambes des albinos.
La crédulité de la population ne se limite pas à la préparation des potions magiques. Ainsi, dans certains pays de la région des Grands Lacs, la croyance veut que manger les parties intimes d’un albinos apporte le pouvoir. En Afrique de l’ouest, il est aussi dit qu’avoir des rapports au lit avec des femmes souffrant d’albinisme permet de guérir du sida, ce qui a engendré une explosion des cas de viols commit contre ces femmes. Au Cameroun, certains pensent que le sang versé d’un albinos arrête un volcan entré en éruption.
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Un commerce inhumain
Ces croyances sont à l’origine des exactions les plus épouvantables. Des albinos sont ainsi démembrés vifs par des « chasseurs ». Parfois, les victimes sont également égorgées et leur sang est récupéré dans des bols avant d’être bu par les assassins. Dans son rapport « À Travers les yeux des albinos », la Croix-Rouge internationale dénonce ces crimes. Si on dénombre des dizaines d’assassinats chaque année, ce sont des centaines d’albinos qui sont en réalité victimes de mutilations. Difficile pourtant d’avoir des chiffres précis ; des témoignages locaux évoquent même un nombre d’assassinats beaucoup plus élevé. Dans certains villages, les bébés albinos sont même éliminés dès leur naissance pour éloigner le mauvais sort.
Pour certains, les albinos sont considérés comme une marchandise. C’est même une denrée rare qui a un prix. Dans son rapport, la Croix-Rouge révèle que :
« … des responsables de la police de Dar es-Salaam ont déclaré que la panoplie complète des organes d’un albinos, y compris les quatre membres, les organes génitaux, les oreilles, la langue et le nez, coûtait l’équivalent de 75 000 dollars US. »
Une prise de conscience
Sous la pression internationale, les gouvernements ont été sommés de réagir. Depuis 2013, la justice s’est enfin saisie du dossier. Des sorciers ont été arrêtés et traduits en justice, et plusieurs réseaux de « chasseurs » ont été démantelés. Mais les croyances populaires persistent et cela a entraîné une augmentation des prix correspondants aux corps des albinos. L’appât du gain a donc été décuplé.
« Les albinos sont considérés comme des fantômes et non comme des êtres humains, et dès lors, ils peuvent être rayés de la carte ».
C’est en ces termes qu’en mai 2013, Juan E. Méndez, le Rapporteur spécial sur la torture de l’ONU, a décrit la situation des albinos d’Afrique. Le combat va donc être long pour les organismes internationaux et notamment pour la fondation de Salif Keita, le célèbre musicien malien qui est aussi le représentant le plus emblématique des albinos d’Afrique.
À SUIVRE : 225 sorciers et “guérisseurs” arrêtés en Tanzanie pour meurtres d’albinos.